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Granit - Mémoire de pierre : Le projet

Images et paroles des habitants sur l’activité  et la vie sociale et culturelle liée au travail  du granit dans la région de Saint-Michel-de-Montjoie – Noues-de-Sienne. Le territoire frontalier entre les départements de la Manche et du Calvados, situé à cheval entre la haute vallée de la Sée et le sud du Bocage Virois, est attaché historiquement à la production et au travail du granit. Cet espace a connu une activité florissante à partir du granit : extraction, taille pour le bâtiment, la voirie, les monuments funéraires… Multiséculaire, celle-ci est aujourd’hui quasiment éteinte, concurrencée par des zones de production à bas coût, au niveau mondial. Afin de sauvegarder et partager cette culture spécifique, les associations La Loure et Le Labomylette ont uni leurs savoir-faire. La création photographique et le recueil de la parole des habitants donnent la matière à cette exposition, évolutive et en perpétuel enrichissement, et nourrissent des temps de médiation sur le territo...
Articles récents

34. Souvenir des carrières du Gast

René Houstin – Le Gast. Souvenir des carrières du Gast. «  Mon père était granitier. On avait une carrière et puis on extrayait la pierre. On travaillait surtout pour les monuments funéraires : sortir des blocs, couper les morceaux et tout ça. Et après, ça partait chez un marbrier qui polissait tout le truc. C’était comme ça les petites carrières de ce temps-là. On était deux ou trois, ça dépendait du boulot qu’il y avait  ». René a grandi dans ce monde du granit aux côtés de son père. «  Mon père, il a dû commencer à l’âge de 15-20 ans, je ne sais pas vous dire. Avant, il devait être commis de ferme. Je n’ai pas connu mon grand-père  ». Le père de René a travaillé avant la Seconde Guerre mondiale pour l’entreprise de marbrerie Peschet, de Saint-Sever. «  C’est mon père qui faisait tourner la carrière. Et puis la guerre est venue et tout le monde est parti de son côté. Mon père était gérant chez Peschet, de la carrière dans le bois. Après la guerre, il s’est mi...

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33. Les ouvriers paysans

Gérard Langlois – Vire Normandie. Les ouvriers paysans. Gérard, comme de nombreux travailleurs du granit, a été double actif. Il a combiné son activité au sein de l’entreprise David, à Saint-Michel-de-Montjoie, avec l’exploitation d’une ferme, en compagnie de son épouse, sur cette même commune. Mariés en 1969, ils reprennent l’exploitation laissée par ses beaux-parents et la développent progressivement. «  On s’est agrandis et, après, on a monté les bâtiments. À la fin, on est sorti avec une cinquantaine de bêtes, à La Foresterie, à côté de la carrière à Chatel  ». À côté de cela, Gérard occupe le poste de contremaître au sein de l’entreprise David, en charge du polissage et de l’appareillage des pierres tombales. Dans l’entreprise, l’organisation reste assez souple pour s’adapter aux travaux des champs et des jours sont libérés, notamment quand arrive la période des foins. Gérard a négocié un rythme spécifique : «  Moi j’ai travaillé toutes les semaines 5 jours com...

32. Pierre Coupée et Pierre Branlante

René Houstin – Le Gast. Pierre Coupée et Pierre Branlante. Dans le Bois du Gast, juste à côté de la carrière qu’exploitait le père de René, se trouve un site remarquable. La Pierre Coupée et la Pierre Branlante, blocs de granit massifs, ont été pendant longtemps un lieu de promenade prisé pour les habitants du secteur. «  Dans le temps, il y avait beaucoup de gens qui venaient et qui allaient se promener pour voir toutes ces pierres-là. Parce qu’il y avait la Pierre Coupée et puis il y avait une autre pierre qu’on appelait la Pierre Branlante. C’était énorme ! Elle faisait, je sais pas moi, 100 tonnes peut-être. Elle était posée sur un bloc rond et il y avait un endroit où on la prenait à la main et on faisait floc, floc, floc, floc. Et y’avait qu’un endroit et y’avait pas beaucoup de monde qui le savait. Souvent, mon père était demandé pour aller bouger la pierre. Il était à peu près le seul dans le coin à le savoir ! Et moi, ou je n’avais pas force ou je ne savais pas où aller.....

31. Le transport des blocs de granit avec les chevaux

René Houstin – Le Gast. Le transport des blocs de granit avec les chevaux. Une des problématiques des travailleurs du granit est le transport de leur production, qu’il s’agisse des blocs destinés à être travaillés en ateliers, notamment pour les monuments funéraires, ou des produits finis (moellons, pavés, mosaïques…) produits directement dans les carrières ou à partir des boules de surface. Avant que les camions ne fassent timidement leur apparition, à partir des années 1920, c’est la traction animale qui est sollicitée pour ces charrois. Pendant longtemps encore, ces deux modes de transport vont cohabiter. René se souvient du charrois des blocs avec les chevaux : «  Quand j’ai commencé moi, les moyens de transport, c’était avec les chevaux. Il y avait des transporteurs. Il y en avait un, Leprovost il s’appelait. Il était de Coulouvray ce bonhomme-là. Il avait peut-être une dizaine de chevaux et puis il avait les charrettes, mais alors ! Il avait les tombereaux mais ses...

30. Les conditions de travail avec les machines

Gérard Langlois – Vire Normandie. Les conditions de travail avec les machines. Avec le développement des machines dans les ateliers, à partir des années 1960, les conditions de travail des ouvriers ne s’améliorent pas forcément ou, du moins, pas tout de suite. Gérard en témoigne à partir de ce qu’il a connu dans l’entreprise David, à Saint-Michel-de-Montjoie (50). En premier lieu par rapport au bruit. Gérard évoque les mutations à l’œuvre : «  Ah bah oui, c’était de plus en plus sonore… Malgré que c’était pas le même bruit parce que, quand vous aviez 7-8 gars qui bouchardaient, ça faisait du bruit aussi ! Le bruit des machines, c’est un bruit qui siffle tandis que l’autre est un bruit plus sourd, un bruit de marteaux si vous voulez ». Gérard souligne le volume sonore très important généré par les scieuses à fil : «  Plus les machines étaient grosses, plus elles faisaient de bruit. Et, quand vous avez une machine ça va, mais quand vous en avez cinq, six, dix…  ...

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29. L’extraction du granit à la mine

René Houstin – Le Gast. L’extraction du granit à la mine. René a pratiqué très jeune l’extraction des blocs de granit, en carrière, avec son père. Pour dégager de gros blocs de la masse, il utilisait la mine. « Les mines, c’était pour fendre, pour couper un gros bloc en deux. On faisait un trou de mine avec les burins, on mettait de la poudre dedans et poum ! À ce moment-là, quand j’ai commencé, je travaillais avec mon père. Le trou de mine, ça faisait des fois 1,5 mètre de profondeur, tout à la main. Alors mon père tenait le burin : à chaque coup de masse, il faut tourner le burin. Alors il tournait et moi je tapais : poum, poum, poum... Des fois, on était un après-midi de temps à faire un mètre. Ah ben oui, parce que chaque coup de massette, ça ne faisait pas grand chose hein !  ». Une fois pratiqué le trou en vertical, et selon les besoins, on attaquait aussi la roche horizontalement pour permettre au bloc de se détacher plus facilement. «  Comme ça, "en hub...

28. L’exploitation des boules

René Houstin – Le Gast. L’exploitation des boules. Les boules désignent, dans ce secteur du Bocage, les roches qui affleurent au sol dans les champs et dans les bois. «  Dans le temps, y’en avait partout. Mais maintenant y’a plus rien, tout a été nettoyé partout. Pas par les granitiers... Mais comme les surfaces de terre louées aux cultivateurs sont de plus en plus grandes, tous ces machins-là ils n’en veulent pas car ils ne peuvent pas passer avec les engins. Et allez hop... Il y a les bulls qui arrivent et qui poussent ça dans un coin et puis c’est bien. Terminé, on n’en parle plus !  ». René, en tant qu’ancien travailleur du granit, a une connaissance intime de ces roches. Il distingue ainsi les boules, appelées aussi patates , du granit extrait du fond des carrières, dans les termes suivants : «  Parce que c’est une pierre qui est morte si on veut. On disait ça comme ça, nous. Parce que la pierre vivante est bleue ou blanche mais là c’est plus foncé, marron si o...

27. Le développement du machinisme dans les ateliers

Gérard Langlois – Vire Normandie. Le développement du machinisme dans les ateliers. Gérard est entré en 1962, comme apprenti, dans l’entreprise David, principal établissement pour la fabrication des monuments funéraires dans la région, implantée à Saint-Michel-de-Montjoie. Jusqu’à son départ en retraite, en 2004, il a vu l’évolution du métier et les bouleversements liés au développement des machines dans le travail du granit. «  Dans les années 1980, le métier de tailleur de pierre était déjà presque disparu. Ça a été vite parce qu’on a eu des fraiseuses…. Avant tout se faisait à la main : on allait à la carrière, il y avait un morceau qui vous arrivait brut. Une tombale croix relief ou croix moderne ou relief à gorge, tout ça c’était des modèles, mais le mec quand il arrivait avec le morceau, il était là-dessus trois semaines, un mois, quand y avait ça de caillou à enlever dessus… Ils appelaient ça "l’habillage", c’est-à-dire un morceau qu’il fallait façonner aux dimensio...

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26. De carrier à tailleur

René Houstin – Le Gast. De carrier à tailleur. René est né en 1935 dans la commune du Gast, d’un père carrier et d’une mère exploitant une petite ferme. Profil classique, somme toute, dans le monde des granitiers qui a valu à René de travailler, dès tout jeune – et souvent dans la même journée – à la carrière et à la ferme. «  Faucher à la faux, j’en ai fait ! J’en ai fait des hectares, à la main… Parce qu’avant d’aller au boulot le matin, mon père, il disait : "allez, on va dans le pré là-bas, on a ce coin-là à faucher tous les deux". À la pointe du jour, on était arrivés dans les prés !  ». Comme la plupart des jeunes, il n’est pas poussé vers les études. «  Je n’ai pas passé le certificat d’études. À 13 ans, j’étais déjà sur le chantier. Et dans ce temps-là, on ne partait pas à l’école à 4 ans, c’était à 7 ans. Eh oui... Tous les gars du coin, de mon âge, on était tous dans le même cas. Il y en avait quelques uns qui ont eu le certificat d’études, mais bon... ...

25. Rigueur et aléas du travail en carrière

Jean et Louise Danet – Saint-Michel-de-Motjoie. Rigueur et aléas du travail en carrière. Les conditions de travail dans les carrières sont rigoureuses. Elles le restent même si le matériel s’améliore au fil du temps. «  Avant nous, il n’y a avait pas de grue. Il n’y avait que des rouleaux, des rouleaux en bois. Ils roulaient les cailloux sur les rouleaux et puis c’est tout. Ou alors, il y avait le wagon, les wagonnets. Il y avait une plaque tournante et puis les rails de chemin de fer. Tous les déchets, ils allaient dans le wagonnet et ils allaient porter ça dans le remblai plus loin. Et quand on avait un bon bloc, il allait dans la bonne direction  », celle des ateliers de la carrière pour y être travaillé ou sur les quais d’embarquement, prêt à partir pour être vendu en l’état. Louise évoque le souvenir de son beau-père : «  Et le père Danet, tout seul – il a arrêté vers 60 ans, usé – il fallait l’aider pour descendre ou pour remonter, mais, tout seul, il poussait...

24. Les trimards

Bernard Ampilhat – Le Gast. Les trimards. «  On allait là où il y avait du travail et où on gagnait le mieux sa vie. C’est ça. On nous appelait les trimards. Le trimard c’est celui qui va d’une place à l’autre, comme moi j’ai fait… Moi, je ripais les galoches facilement ! ». Bernard n’est pas issu du milieu des granitiers. Né à Saint-Maur-des-Bois, en 1932, c’est dans une famille d’agriculteurs qu’il voit le jour. Son certificat d’étude en poche, il s’oriente vers le monde du granit. Il fait son apprentissage dans l’entreprise Lebarbey, au lieu-dit La Masurie à Coulouvray-Boisbenâtre. Bernard a une idée assez arrêtée sur ce secteur du Bocage normand : «  dans ce pays, y’a pas moyen de gagner sa vie !  ». Ce qui l’amène à bouger très souvent d’un point de vue professionnel. «  J'ai fait la Bretagne, beaucoup : le Morbihan, les Côtes-du-Nord, à Pontivy, à Plaintel...  On gagnait mieux sa vie là- bas !  ». C’est surtout avant son mariage que Berna...

23. Chanson, musique, café et pugilat…

René Houstin – Le Gast. Chanson, musique, café et pugilat… René évoque la place de la chanson dans le monde des carriers. «  Il n’y avait pas beaucoup de carriers qui ne chantaient pas. Mon père il chantait. Des fois, ils faisaient des soirées comme ça, des samedi ou autre. "On ferait bien un petit rassemblement...". Et alors, mon père et puis d’autres que je connaissais, ils chantaient. Mais des bons chanteurs, hein, pas de la bricole ! Je ne sais plus trop où ils se rassemblaient… Y’avait le menuisier qui vidait sa menuiserie pour ça. C’était comme ça, hein. Ça a duré assez longtemps. Mais y’avait du monde, ça rigolait pas. Et mon père, s’il était tout seul à la carrière, il chantait. Y’avait pas besoin de poste !  ». La chanson trouve sa place aussi dans les cafés du bourg : «  Oui ça arrivait. Quand y’en quatre cinq qui étaient en train de boire un coup et qui disaient "Tiens, toi, t’es un chantoux, allez vas-y, on va te payer un coup !". C’était l’am...

22. De tailleur de pierre à appareilleur

Gérard Langlois – Vire Normandie De tailleur de pierre à appareilleur Gérard est né en 1948 à Lingeard (50). En 1962, après le certificat d’étude, il entre comme apprenti dans l’entreprise David à Saint-Michel-de-Montjoie, spécialisée dans la fabrication des monuments funéraires, dans laquelle il va faire toute sa carrière. «  Mes parents y connaissaient un tailleur de pierre. René David m’a demandé quand je suis arrivé : "Est ce que tu veux que Gérard Courbet soit ton prof ?", celui qu’allait m’apprendre… Parce que moi, j’avais jamais vu un caillou de ma vie quand je suis arrivé chez David. J’savais pas c’que c’était qu’un bout de granit. À Lingeard, y’a pas de cailloux ! J’suis arrivé le 12 juin. Le 1 er septembre, j’avais gagné 10 francs de l’époque, même pas de quoi s’acheter une bière ! Parce qu’on était payés aux pièces : tel morceau avait telle valeur, tel autre morceau avait une autre valeur… Alors, comme je ne connaissais rien du tout, j’avais pa...

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21. Cabanes et forges de chantier

René Houstin – Le Gast. Cabanes et forges de chantier. Une partie de la production granitique se fait au plus près de la carrière, notamment pour les éléments de voirie (bordure de trottoir, pavés, mosaïques…). Cette activité de taille est réalisée par des tâcherons dans des cabanes spécifiques. «  La cabane de chantier, dans les carrières, ça faisait parfois 10 mètres de long. Et puis souvent, c’était pas très grand parce que ça évitait de se tirer. Ça fait des éclats et, si on est trop près les uns des autres, on se les prend quoi  ». Pour se protéger encore un peu plus, on utilisait des « èches » : «  Oui, c’était pour éviter les éclats, comme un panneau si vous voulez. Vous mettez ça debout et les cailloux ne passent pas, hein. C’était pour séparer les ouvriers. La èche c’était fait avec du genêt, de la fougère, avec des trucs comme ça. C’était tressé... C’était de la fougère et puis, de chaque côté, ils mettaient des tiges de bois pour tenir. Le panne...

20. Un travail dangereux dans les carrières

Jean et Louise Danet – Saint-Michel-de-Montjoie. Un travail dangereux dans les carrières. L’activité de carrier n’est pas sans risque. Jean évoque des faits divers qui sont intervenus localement dans les carrières autour de Saint-Michel-de-Montjoie : «  Pour l’extraction, c’était surtout Le Gast et Montjoie. Et aussi Saint-Pois : les Mauduit et les Lemaignen, c’était sur Saint-Pois. Il y en a eu deux de mort dans cette carrière-là : le père et le fils, de la même façon. Un bloc qui s’est décollé, il n’avait pas vu... Et le père était mort de la même façon. Terrible…  ». Jean a failli connaître la même infortune : «  Moi, un coup comme ça, j’étais avec le frangin, j’avais la main comme ça, sur la paroi. Et puis, d’un seul coup, il en est tombé, peut-être 20 ou 30 tonnes au dessus de nos têtes. On a eu le temps de sauter mais la paroi tombait. Si je n’avais pas eu la main là, je ne m’en serais pas aperçu et on serait morts. Moi, je dis toujours : "J’ai vu onze fois Sa...

19. La sculpture

Bernard Ampilhat. La sculpture. Bernard a passé sa vie professionnelle comme tailleur de pierre dans différentes entreprises de la région ainsi qu’en Bretagne, produisant des pierres pour la construction comme pour la voirie. Dans ses temps libres, entre cette activité professionnelle et l’aide qu’il apportait à sa femme, dans la petite ferme qu’elle exploitait au Gast, il a aussi cultivé un jardin secret : la sculpture sur pierre. Quand on lui évoque son talent en ce domaine, Bernard se défend, par modestie : «  Ça, la sculpture, c’était autre chose qu’une taille ordinaire, hein. Un métier d’attention surtout… parce que c’est compliqué. Ce travail-là c’est très compliqué, la sculpture hein ! D’ailleurs, moi, je n’suis pas un bon !  ». Cette sensibilité qu’il a développée, il l’a progressivement exposée au public tout autour de chez lui, dans son jardin, dans les bois alentours. Il a également créé un espace spécifique, à la frontière des communes du Gast et de Saint-Mic...