Gérard Langlois – Vire Normandie.
Les conditions de travail avec les machines.
Avec le développement des machines dans les ateliers, à partir des années 1960, les conditions de travail des ouvriers ne s’améliorent pas forcément ou, du moins, pas tout de suite. Gérard en témoigne à partir de ce qu’il a connu dans l’entreprise David, à Saint-Michel-de-Montjoie (50).
En premier lieu par rapport au bruit. Gérard évoque les mutations à l’œuvre : « Ah bah oui, c’était de plus en plus sonore… Malgré que c’était pas le même bruit parce que, quand vous aviez 7-8 gars qui bouchardaient, ça faisait du bruit aussi ! Le bruit des machines, c’est un bruit qui siffle tandis que l’autre est un bruit plus sourd, un bruit de marteaux si vous voulez ». Gérard souligne le volume sonore très important généré par les scieuses à fil : « Plus les machines étaient grosses, plus elles faisaient de bruit. Et, quand vous avez une machine ça va, mais quand vous en avez cinq, six, dix… ». Ensuite sont arrivées les scies à disque : « Après, c’était les grands disques, y’avait trois machines avec des grands disques, deux au fond, une à l’entrée... ça fait du bruit ! Forcé hein, quand vous avez des disques de 2,50 m qui bouffent ça de granit : 1 centimètre et demi à chaque passage ! Ça vous enlève 1 centimètre et demi de largeur et 1 centimètre et demi de hauteur sur un trait de 2 mètres. Faut voir la boue qui sort au bout, hein ! Et quand il sort, ça fait un bruit, le disque ! Et quand il rentre, pareil, KRAOUH ! Il y en avait qu’avaient des casques à la fin. David, il nous disait : "Faut le mettre hein !". Après, t’étais responsable… Mais aller travailler en plein été avec des lunettes, la sueur et puis un casque sur la tête, vous affolez ! ».
Une autre difficulté inhérente au métier tient à la poussière. « La poussière ? La silicose, ils en sont tous morts de la silicose, hein ! Je ne sais pas comment je n’en ai pas plus que ça moi… Quand tu taillais ta pierre, t’étais le nez dessus, alors la poussière ! Les tailleurs de pierre, c’était pas rare qu’ils meurent à soixante et quelques années. Ils mouraient de la silicose. Poumons ! Ils pouvaient plus respirer, hein. T’as les poumons pleins de poussière… 80 % à 90 % des tailleurs de pierre sont morts par la silicose. Il aurait fallu que tout soit sur table aspirante mais c’était pas possible. Pour l’appareillage, on avait juste deux tréteaux et c’est tout. On faisait l’appareillage, les joints, tout ce qu’il y avait à faire. Ils avaient voulu nous installer un gros moteur avec des tuyaux, fallait qu’on promène nos tuyaux. Bah, quand on faisait un joint, il aurait fallu apporter le tuyau auprès pour aspirer, non mais… Les inspecteurs du travail, ils sont venus maintes et maintes fois, ils n’ont jamais pu trouver comment faire pour arriver à résoudre le problème. Encore, un tailleur de pierre qui reste sur place à faire son morceau comme il y a 50 ans, ça pouvait se faire. Mais nous, on changeait toutes les 10 minutes. Je vous dis, l’appareillage, ça consistait à faire les coins, etc. Le morceau, on l’avait 5 minutes, et puis on changeait, un autre 5 minutes... Les inspecteurs du travail, ils sont toujours venus mais ils n’ont jamais forcé le patron. C’était pas possible quoi ! ».