René Houstin – Le Gast.
L’extraction du granit à la mine.
René a pratiqué très jeune l’extraction des blocs de granit, en carrière, avec son père. Pour dégager de gros blocs de la masse, il utilisait la mine. « Les mines, c’était pour fendre, pour couper un gros bloc en deux. On faisait un trou de mine avec les burins, on mettait de la poudre dedans et poum ! À ce moment-là, quand j’ai commencé, je travaillais avec mon père. Le trou de mine, ça faisait des fois 1,5 mètre de profondeur, tout à la main. Alors mon père tenait le burin : à chaque coup de masse, il faut tourner le burin. Alors il tournait et moi je tapais : poum, poum, poum... Des fois, on était un après-midi de temps à faire un mètre. Ah ben oui, parce que chaque coup de massette, ça ne faisait pas grand chose hein ! ».
Une fois pratiqué le trou en vertical, et selon les besoins, on attaquait aussi la roche horizontalement pour permettre au bloc de se détacher plus facilement. « Comme ça, "en hubert" qu’on appelait ça. C’était le plat. Au lieu de tenir le burin comme ça, on le tenait à plat, pour fendre comme ça. C’était des termes qu’on avait sur les chantiers. Le hubert c’était à plat, pour couper et faire le trou à plat ».
Une fois le trou de mine effectué, sur la profondeur souhaitée, il fallait le « rayer ». « On regardait comment on voulait couper le bloc et, à ce moment là, on avait un autre outil, plat, moins épais que mon doigt, ça faisait une rayure dans le machin de 2 millimètres environ. C’était ça qui donnait la direction pour fendre. Et on le descendait comme ça, dans le sens qu’on voulait couper la pierre, dans le trou, à coups de marteau. Il fallait après nettoyer le trou, retirer toute la poussière. Alors, on mettait de l’eau et puis après, avec des chiffons, jusqu’à tant que ça soit sec. Mais ça se faisait assez bien. On avait des tiges de fer avec un anneau et on mettait le chiffon au bout. C’est tout simple. Après on mettait un petit peu de poudre et au bout de la mèche, on faisait un petit noeud, de façon à ce qu’elle ne remonte pas. Et puis, un peu de poudre dans le fond mais pas beaucoup. Toujours la poudre au-dessus. On mettait – c’était au kilo ou à la tasse – selon l’épaisseur du bloc. Si on avait un gros bloc, il fallait mettre, mettons, une livre de poudre ou deux livres ça dépendait. Et puis si c’était un petit morceau, on mettait une tasse ou un truc comme ça. C’était de la poudre noire, hein, c’était pas n’importe quelle poudre. Une livre ça faisait la moitié d’un kilo, deux livres c’est un kilo. La mèche, on la faisait sortir et on laissait toujours au moins 15 centimètres, dans le cas où elle s’éteigne. Des fois, ça arrivait : un coup de vent et hop... On allumait et puis on ne restait pas au-dessus à voir comment ça allait faire, hein ! »
L’extraction du bloc se fait au maximum en suivant la « feuille ». « La feuille, c’est le sens de la pierre, le sens où elle s’éclate le mieux. On y prenait garde, c’est automatique. Pour voir la feuille, il faut déjà avoir un peu l’expérience. Il faut voir la disposition d’après le soleil. La feuille a le même sens partout. Quand c’était pris en feuille, c’était plus facile à travailler après. Alors que quand c’était pris en rebours, qu’on appelait ça, c’est-à-dire le contraire de la feuille, c’était beaucoup plus dur à travailler. Des fois, on était obligé de travailler en rebours, mais ça y allait quand même. Les marbriers, ils connaissaient ça par cœur, ils regardaient le bloc et ils disaient : "Ah ben oui, là c’est en rebours". Il n’a pas la même teinte. Dans les petits blocs on n’en faisait pas de cas mais pour les plus gros… Ça arrivait que les marbriers négocient les prix quand c’était coupé en rebours car ils avaient plus de boulot derrière ».
Pour la poudre, René se fournissait en proximité. « À ce moment, on allait à Champ-du-Boult, il y avait un dépôt, c’était une épicerie. Mais maintenant, y’a plus ça, y’a plus de munition à traîner ! On allait chercher les munitions comme ça, à vélo. J’allais chercher 4-5 kilos de poudre. Y’avait ça dans des barils, des petits barils. Ah, bah, c’était pas délicat ! Moi, j’ai toujours été à Champ-du-Boult et puis quand ça a arrêté, on n’en avait plus eu besoin parce qu’il n’y avait plus de boulot… ».