Gérard Langlois – Vire Normandie.
Le développement du machinisme dans les ateliers.
Gérard est entré en 1962, comme apprenti, dans l’entreprise David, principal établissement pour la fabrication des monuments funéraires dans la région, implantée à Saint-Michel-de-Montjoie. Jusqu’à son départ en retraite, en 2004, il a vu l’évolution du métier et les bouleversements liés au développement des machines dans le travail du granit.
« Dans les années 1980, le métier de tailleur de pierre était déjà presque disparu. Ça a été vite parce qu’on a eu des fraiseuses…. Avant tout se faisait à la main : on allait à la carrière, il y avait un morceau qui vous arrivait brut. Une tombale croix relief ou croix moderne ou relief à gorge, tout ça c’était des modèles, mais le mec quand il arrivait avec le morceau, il était là-dessus trois semaines, un mois, quand y avait ça de caillou à enlever dessus… Ils appelaient ça "l’habillage", c’est-à-dire un morceau qu’il fallait façonner aux dimensions. Mais dans les années 1965-66, les machines sont arrivées, le métier a changé complètement ! Quand je suis arrivé, y’avait juste une débiteuse et une scie à fil, c’est tout c’qu’il y avait… ». Il évoque aussi une petite polisseuse : « mais c’était juste une petite machine, avec un axe si vous voulez, qui faisait du "corbeau", c’est-à-dire de la poussière d’acier de plus en plus fin, qui faisait que ça adoucissait de plus en plus le granit ».
Gérard souligne le rôle prépondérant de l’entreprise Thibaut, installée à Vire, dans la conception des premières machines à scier et polir le granit. « Dans les années 1987-90, chez Thibaut, ils ont mis des fraiseuses au point. Vous adaptiez des fraises qui creusaient, qui coupaient à plat, qui coupaient à champ, que vous dirigiez comme vous vouliez, ce qui simplifiait le boulot du tailleur de pierre. Après ça, le tailleur de pierre, il avait juste à dégager la carre de la croix ou des bricoles. C’est pour ça qu’y avait de moins en moins de tailleurs de pierre ». Avec la mécanisation se développe aussi l’automatisation, notamment pour le polissage : « C’était des machines numériques, c’est comme un programmateur : t’avais un bloc là, y’avait un détecteur, il sautait sur l’autre pierre, il sautait là, tout seul. Les meules étaient rangées, dans une armoire si vous voulez, elles prenaient les meules, c’était juste un clip, par aspiration, ça clipsait, toc, et ça repartait. Quand tu arrivais le matin, y’avait plus qu’à changer les morceaux, c’était poli hein ! ». Cette automatisation fonctionnait bien pour les grandes surfaces mais le traitement de certaines zones, comme les champs ou les côtés, requérait toujours la présence et le contrôle des ouvriers.
Cette mécanisation a eu des conséquences importantes sur les effectifs salariés : « Ça a tout compressé : quand les gens partaient en retraite, ils n’étaient pas remplacés. David n’a foutu personne à la porte mais quand ils partaient, il ne les remplaçait pas. Au plus qu’on a été, c’était 87 et, quand je suis parti en 2004, ils devaient être 20. Et ils sortaient toujours autant, et même plus, de monuments ! ».
Les entreprises David et Thibaut ont assuré leur développement de pair : « Toutes les machines venaient de chez Thibaut : tout ce qui est polissage, fraisage, des machines pour faire des cuisines, des plans de travail, c’est Thibaut qui a mis tout ça au point, hein ! Il mettait des machines en exposition chez David, et n’importe quel client de Thibaut venait chez nous. Il avait signé un contrat avec David, on ne pouvait pas l’empêcher de venir. David se servait des machines pendant un certain temps certainement. Mais il venait des Japonais, il en venait de n’importe où ! ».