Accéder au contenu principal

22. De tailleur de pierre à appareilleur

Gérard Langlois – Vire Normandie

De tailleur de pierre à appareilleur

Gérard est né en 1948 à Lingeard (50). En 1962, après le certificat d’étude, il entre comme apprenti dans l’entreprise David à Saint-Michel-de-Montjoie, spécialisée dans la fabrication des monuments funéraires, dans laquelle il va faire toute sa carrière. « Mes parents y connaissaient un tailleur de pierre. René David m’a demandé quand je suis arrivé : "Est ce que tu veux que Gérard Courbet soit ton prof ?", celui qu’allait m’apprendre… Parce que moi, j’avais jamais vu un caillou de ma vie quand je suis arrivé chez David. J’savais pas c’que c’était qu’un bout de granit. À Lingeard, y’a pas de cailloux ! J’suis arrivé le 12 juin. Le 1er septembre, j’avais gagné 10 francs de l’époque, même pas de quoi s’acheter une bière ! Parce qu’on était payés aux pièces : tel morceau avait telle valeur, tel autre morceau avait une autre valeur… Alors, comme je ne connaissais rien du tout, j’avais pas fait grand-chose, hein ! Il m’avait donné 10 francs de plus pour m’encourager. J’ai été sans contrat pendant trois ans, parce que j’étais en apprentissage. Il m’a donné une augmentation pendant trois ans. Le Père David, c’était pas un rapace, c’était un mec qui savait reconnaître le travail ».

Au bout de trois ans, Gérard change de poste : « Je n’ai plus taillé de granit, je suis passé à l’appareillage à 17 ans avec un appelé René Anne ». Les postes sont attribués en fonction des besoins dans l’entreprise. « À l’appareillage, y’avait les fils David, Claude et Gérard. Après, ils ont arrêté ça parce qu’ils avaient autre chose à faire : Gérard faisait le démarchage, donc il était parti voir la clientèle, et Claude, il supervisait un peu tout le chantier ».

Gérard explique le rôle de l’appareilleur : « Les pièces qui sortent du polissage, on vérifiait toutes les mesures, longueur, largeur, hauteur et on mettait ça sur un châssis. C’était un truc en bois comme la table, si vous voulez. On exposait pour voir si vraiment ça collait bien, s’il n’y avait pas de retouche à faire, si le joint collait bien… C’est ça qu’on appelait l’appareillage. Des fois, il y avait du "gauche" : bah, fallait qu’on fasse une retouche, c’est-à-dire qu’on envoyait les morceaux à polir ou alors on donnait un p’tit coup de ciseau dans l’pied pour que ça colle. Des fois, c’était trop long, fallait raccourcir ». Gérard a aussi eu l’occasion de faire de la pose de monument. « On met un peu de ciment au pied et on fait le joint au silicone. Le silicone ça tient bien tandis que le ciment ça se dégrade. Le silicone ça dure longtemps, hein ! En principe, les monuments, il y a toujours quelqu’un qui revient donc, en pas plus de dix ans, c’est refait. À part si c’est le dernier qui part, et après… ».

Gérard a aussi occupé le poste de contremaître dans l’entreprise, en charge du polissage et des expéditions. « Émile Germain s’occupait du sciage et moi du polissage et du chargement des camions. Claude David supervisait. Tous les lundis matin, je faisais avec lui le point de ce qui allait partir en fin de semaine. En général, les camions venaient le vendredi après-midi charger. Il était patron, il avait une voix. Ça marchait bien à ce moment là, hein !