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20. Un travail dangereux dans les carrières

Jean et Louise Danet – Saint-Michel-de-Montjoie.

Un travail dangereux dans les carrières.

L’activité de carrier n’est pas sans risque. Jean évoque des faits divers qui sont intervenus localement dans les carrières autour de Saint-Michel-de-Montjoie : « Pour l’extraction, c’était surtout Le Gast et Montjoie. Et aussi Saint-Pois : les Mauduit et les Lemaignen, c’était sur Saint-Pois. Il y en a eu deux de mort dans cette carrière-là : le père et le fils, de la même façon. Un bloc qui s’est décollé, il n’avait pas vu... Et le père était mort de la même façon. Terrible… ». Jean a failli connaître la même infortune : « Moi, un coup comme ça, j’étais avec le frangin, j’avais la main comme ça, sur la paroi. Et puis, d’un seul coup, il en est tombé, peut-être 20 ou 30 tonnes au dessus de nos têtes. On a eu le temps de sauter mais la paroi tombait. Si je n’avais pas eu la main là, je ne m’en serais pas aperçu et on serait morts. Moi, je dis toujours : "J’ai vu onze fois Saint-Pierre et il m’a dit : tu peux descendre, c’est complet". J’avais dit ça à mon toubib, il m’avait dit : "Oh méfiez-vous de la prochaine fois hein, il y aura peut-être de la place !". Il y avait souvent des accidents, certains perdaient un bras, une jambe. Ça se détache sans dire. On croit que ça tient, et puis... ».



Une autre mésaventure est arrivée à Jean avec une grue dans la carrière du Creux Chien : « y’avait un trou donc t’étais obligé d’avoir une grue. Et puis il y avait des câbles qui étaient attachés aux différents arbres. Si bien qu’un jour, l’axe de la grue devait être en mauvais acier. Pouf… il pète ! Je suis resté suspendu... Ah là, j’avais eu du pot encore... parce qu’il y avait du courant dedans. Elle était tout en fer la grue. Et j’ai pas mis les mains sur la ferraille là ! ».

Jean relate également des gestes que lui s’autorisait à faire, en tant que patron de la carrière, parce qu’il était assez sportif et pour gagner du temps : « avant que je ne parte à l’armée, on faisait de la digue, de l’enrochement, avec tous les déchets dans le fond de la carrière. Moi, je me pendais au bout de la grue et je descendais comme ça, pour attacher le bloc et puis remonter ça. Il fallait faire vite, le plus vite possible, pour remplir un camion... Tous les camions dans les environs étaient utilisés pour faire de l’enrochement. Une fois accroché le caillou qu’était dans le fond, je remontais par l’échafaudage et on allait vite décrocher pour le mettre dans le camion et puis on descendait et ainsi de suite. Et je descendais avec le câble ! ».

Dans la carrière, Jean et son frère bricolent avec du matériel souvent ancien, qu’ils font durer le plus possible, par souci d’économie. À ce propos, Louise raconte : « Ils ont toujours acheté du matériel d’occasion, qui ne pouvait plus aller sur route. Alors c’était forcément du matériel déclassé, donc moins sûr. À la Chambre des Métiers, ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi Jean ne faisait pas d’apprentis. Je leur ai dit : "Ce n’est pas possible, on ne va pas risquer la vie d’un gamin. Tout notre matériel, c’est pas conforme du tout ! "». Le danger était inhérent au métier et la culture de la sécurité au travail n’était pas encore de mise dans les carrières en exploitation.