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17. La production de la carrière

Jean et Louise Danet.

Saint-Michel-de-Montjoie.

Dans son activité professionnelle, Jean a travaillé dans deux carrières de granit, toutes deux implantées à Saint-Michel-de-Montjoie : celle des Nouettes, acquise par son père, et celle du Creux Chien qu’il a louée et exploitée pendant près de trente ans avec son frère André.

« On essayait de faire le plus de funéraire possible mais il y avait les déchets donc on faisait de la voirie dans les meilleurs déchets, dans ce qui n’allait pas au remblais ». Comme le souligne Louise : « J’avais calculé : on avait 90 % de déchets. Il fallait en tirer du caillou pour gagner sa vie ! ». La production première, et la plus valorisante, est celle qui consiste à tirer des blocs pour les monuments funéraires. Louise l’explique bien : « Ils étaient tentés par le monument eux, parce qu’un bloc descendait, il était aussi cher, sinon plus, que quand il était débité en bordures pour la voie publique, pour la voirie. Il y avait moins de boulot, c’était plus rentable. Mais le grand-père, il était hors de question qu’il se sorte de sa carrière. C’est après pépère que vous avez fait ça ». Et c’est ainsi qu’ils ont pris la carrière du Creux Chien, une fois leur père arrivé en retraite.

Une carrière n’est jamais uniquement un lieu d’extraction. Elle est aussi un espace de production pour valoriser tous les blocs qui en sont tirés. Selon l’importance de la carrière, il y a donc des ouvriers qui s’affairent, à produire des pièces pour la voirie ou pour la construction, quand ce ne sont pas les patrons eux-mêmes qui s’y emploient, comme dans le cas de Jean et de son frère. Quand il y avait des ouvriers, ils étaient communément tâcherons, c’est-à-dire payés à la tâche. Dans la carrière du Creux Chien, ils faisaient essentiellement du pavé. « Les vraiment bons paveurs, à prendre un bloc, ils arrivaient à faire 100 pavés par jour. Mais il fallait le débiter en morceaux hein ! Sinon, en général c’était 60 à 70 pavés par jour. Il y avait des ouvriers qui n’étaient que paveurs. Y’en avait vraiment des bons ! Moi quand j’en faisais 60... Mais ça dépend, s’il y en a un qui les équarrissait, là j’en faisais 120, sans perdre de temps », précise Jean.

L’activité s’adapte aussi en fonction de la demande. Quand Jean, à la retraite de son frère, revient travailler seul aux Nouettes, c’est essentiellement de la pierre de construction qu’il produit, notamment pour les lotisseurs. « Nous on avait un bon client, c’était les Clair Logis. Qu’est-ce qu’on a fait comme soubassement pour les Clair Logis ! Ils faisaient un soubassement en granit eux. Elles étaient bien leurs petites maisons. Y’en a plein sur Vire et autour, elles ont tenu le coup hein ! C’était une grosse entreprise. Après, Goujon, le maçon sur Sourdeval, il faisait beaucoup de soubassements aussi ».

Les déchets de la carrière – une fois trié ce qui était exploitable pour la voirie – partent au remblai ou alors sont valorisés pour faire de l’enrochement. Pour la carrière du Creux Chien cet aspect était sous-traité à l’entreprise Henry, installée dans la région de Périers. « Ils venaient avec leur pelleteuse sur le chantier. Ils laissaient leur pelleteuse sur la carrière et ils prenaient dans le remblai tout ce qu’il fallait et ça servait pour endiguer les plages. Et nous on vendait nos déchets et ça nous payait la location de la carrière. Parce que les gars n’y mettaient pas la main. C’étaient les gars de chez Henry, qui chargeaient leur camion et puis voilà. Ils faisaient la navette. Ils ne nous payaient pas cher, c’était 5 francs de la tonne. On en a fait beaucoup : 5 000-10 000 tonnes par an ».