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14. L’exploitation des boules de granit.

Émile Germain.

Saint-Michel-de-Montjoie.

La zone de Saint-Michel-de-Montjoie est propice à l’exploitation du granit car la masse rocheuse affleure au sol. Partout, dans les champs, dans les bois, émergent les boules de granit qui ont été largement mises en valeur, notamment pour la construction. Évoquant les anciens travailleurs du granit dans le secteur, Émile se souvient : « à Saint-Pois, au Mont-Buon, y’avait une exploitation mais c’était pas une carrière. Ils prenaient ça dans le bois, ils s’appelaient Roussel. Y’avait des petits trous mais c’était pas une carrière. C’était un granit jaune, jaune à petits grains, tandis que nous, on a du jaune qu’on appelle le gris-roux. Les boules de surface, ça ils s’en servaient les anciens de ça ! ».

Ces boules, oxydées par leur contact à l’air, ont pris une teinte brun-roux, à la différence du Bleu de Vire, tiré du fond des carrières. « Vous aviez aussi un autre artisan qui s’appelait Eudes, qui fabriquait du bâtiment, pour faire des encadrements de fenêtre, qu’était à Sourdeval : ça à Sourdeval, pas de carrières ! Fallait descendre très, très fort... Donc tous ces gars-là venaient sur Saint-Michel. Moi, j’ai un bois, c’en est plein, ils venaient en chercher. Bernard Eudes était venu en chercher je ne sais plus combien de fois. Daniel Chancerel, un ancien artisan, il venait en chercher dans le bois. Même je leur donnais un coup de main : on faisait des mines dans le bois, au bord de la route, on n’avait pas peur ! Maintenant on n’a plus le droit ». Le père d’Émile exploitait déjà ce bois et Émile était mis à contribution pour l’aider. « J’ai eu mon père qu’était artisan, qu’a travaillé pour des maçons, qui étaient à Mortain. Le maçon disait : "j’ai besoin de 20 m³ de faux moellons". Bon, on tapait dans le bois, samedi et dimanche, voilà. C’est-à-dire qu’on faisait un trou de mine et puis on explosait. On avait tout de suite 2 à 3 m³. On faisait ça trois-quatre fois et les 20 m³ étaient vite arrivés. On avait quand même les compresseurs. Après on débitait au compresseur ».

Anciennement, de nombreux tailleurs de granit ne travaillaient qu’à partir de ces boules de surface. « Quand ils arrivaient pour voir les boules, ils avaient une barre, ils la sondaient tout autour, voir si elle n’a pas de fissures, si elle est vraiment saine. Elle peut changer de son, donc c’est qu’elle a un problème ». Encore aujourd’hui, de nombreuses boules gardent les traces des tailles non abouties des granitiers du passé. L’exploitation de ces gisements n’est pas toujours très rentable, notamment pour en dégager des morceaux importants : « faut savoir que pour un morceau de 2 mètres, faut une boule de 2,50 mètres donc c’est 50 % de perte tandis que, vous allez dans le fond de la carrière, un bloc de 2 mètres, vous l’avez tout de suite. Donc vous avez gagné du temps. Et la boule, faut la sortir tandis que, là bas, vous avez des grues, vous avez des treuils, vous avez des moyens de levage… ». Pour une boule, Émile précise : « fallait prendre des chevaux et les crics à main pour la lever, la monter sur un traîneau pour l’emmener… Non, mais c’était compliqué ». L’exploitation des boules s’est malgré tout maintenue longtemps pour répondre aux besoins en pierre de construction. Et, à la différence d’une carrière, cette activité pouvait s’exercer par un artisan seul.