Émile Germain.
Saint-Michel-de-Montjoie.
Extraire un bloc de granit de la carrière nécessite de la technicité mais aussi une certaine connaissance de la roche. Les carriers utilisent une barre à tracer « pour donner l’alignement pour la fente du granit. Parce que comme c’est un matériau naturel, il suffit que vous ayez une micro-fissure dans le bloc, c’est pas sûr qu’il y aille mais, généralement, ça y va parce qu’il y a un sens ».
Ce sens de la roche, c’est ce qu’Émile appelle « la feuille » : « Y’a toujours un sens où elle va mieux se couper qu’un autre, y’a le sens du grain, y’a "une feuille". Vous ne le voyez pas dedans mais on sait que c’est au lever du soleil que vous aurez la meilleure fente. Donc, eux, quand ils faisaient tomber le bloc, ils faisaient un repère : au lever du soleil, ils faisaient une marque et après, tout dépend comment que ça tournait, ça tournait pas toujours comme ils voulaient, mais généralement c’était comme ça et, normalement, on ne se trompait pas. On le voit très bien dans du Noir d’Afrique : on voit les stries. Ici, on ne les voit pas mais on sait que si vous la fendez en feuille, elle va fendre comme la table, normalement. Y’a toujours un peu d’ondulations, mais ça va être franc ».
Il arrive aussi qu’on extraie le granit à contrefeuille pour optimiser l’exploitation du gisement. « Pour éviter les pertes, tout est étudié ! ». Mais les blocs sont plus difficiles à décrocher dans ce sens : « ça va être plus dur, donc faut faire un appel ou deux appels, deux trous. On fait deux trous d’appel et un trou où on met l’explosif pour être sûr que ça aille droit ».
Et derrière, ça met en rogne ceux qui doivent retravailler les pièces. « Les gars après, dans les ateliers, ils rouspètent parce quand vous avez extrait un morceau, la face en contrefeuille, quand ils vont le tailler à la massette, ils vont s’en apercevoir ! Ils râlaient parce que c’est beaucoup plus dur. Et comme la majeure partie était des tâcherons à cette époque, ils perdaient du temps, comme ils étaient payés à la pièce… Quand il y a une tombale de deux mètres sur un mètre à tailler, il rouspète le gars. Je le comprends, c’est beaucoup plus difficile ! ».