Jean et Louise Danet.
Saint-Michel-De-Montjoie.
Après les innombrables destructions de villes et de villages qui ont accompagné la Libération de la Normandie en 1944, il a fallu progressivement reconstruire. Cela ne s’est pas fait immédiatement dès l’après-guerre : l’heure a d’abord été au déblaiement des gravats et au relogement des familles dans des villages, constitués de baraquements. Un chantier de cette ampleur nécessitait par ailleurs des moyens financiers dont la France, encore exsangue après six années de guerre, ne disposait pas. Le lancement par les Etats-Unis du Plan Marshall en 1948, vaste aide dédiée à la reconstruction des pays détruits, va débloquer la situation.
Dans le bassin du granit, la période de la Reconstruction est également une période de mutation. Les nombreuses petites carrières, les « trous », ferment progressivement au profit des carrières plus importantes. Évoquant l’activité très dense sur le chemin des Fontenelles, dans le bois entre Saint-Michel-de-Montjoie et Champ-du-Boult, Jean se souvient : « Tous ces petits trous-là, y’avait un ou deux bonhommes qui travaillaient dedans, pas plus. Chacun avait son trou. Il existait des chemins d’exploitation. C’est-à-dire qu’on donnait un droit mais lorsque les carrières se sont fermées les unes après les autres, les propriétaires ont fermé aussi ces chemins. À travailler là, il y avait le père Lemoine, le père Anne… Le père Lemoine, il revenait tous les soirs de son trou là-bas. Il habitait la petite ruelle en bas… ».
L’activité est alors à son apogée, comme le souligne Louise : « Quand un ouvrier se fâchait avec un patron, qu’il ne voulait pas donner d’augmentation, il demandait son compte et il partait avec sa massette et il trouvait un patron tout de suite pour le rembaucher. Il y avait un boulot fou ! On parle là de l’époque à mon beau-père. Après, ça s’est quand même régulé un peu... ».
Jean et Louise évoquent le souvenir d’Albert Viel, de Saint-Michel-de-Montjoie : « Il travaillait chez nous comme artisan. Il prenait le caillou chez nous et il travaillait sur place, avec nous, mais il était indépendant. Albert est parti après travailler pour la Reconstruction. C’était mieux payé. Mais il fallait qu’il aille à Vire. Il y avait un car qui passait : il le prenait le matin et il revenait le soir. Le père Carabi, tous ces gens-là, ils prenaient le car aussi. Ça a commencé, je crois, quand ils ont reconstruit l’église Notre-Dame. C’était dans les années 1950. Il y a beaucoup de gens qui sont allés travailler pour la Reconstruction en tant que tailleurs de pierre. Ils étaient retoucheurs : ils se servaient des anciennes pierres, il fallait les retoucher. À Vire, ils ont beaucoup travaillé pour l’église Notre-Dame mais ils ont certainement aussi travaillé pour des entreprises de maçon après. C’est sûr que les petites carrières, les petits trous ont fermé et les gens ont préféré aller travailler à ça. Parce qu’ils ne gagnaient pas grand chose dans leurs petits trous là... Il y avait un car Brécey-Vire tous les jours dans les années 1950. Après, beaucoup sont partis en retraite ».