Louise Danet.
Saint-Michel-de-Montjoie.
Louise est issue d’une famille dans laquelle certaines femmes ont du tempérament. Sa grand-mère maternelle notamment. Pour preuve, cet épisode relaté par sa mère au sujet des travailleurs du granit : « les jours de paie, ils allaient tous au café se retrouver et boire un coup ensemble. Et ça durait, c’était les jeux de carte, c’était ci, c’était ça... Mon grand-père n’était pas rentré et elle se doutait qu’il était parti avec les copains, ce qu’il n’avait pas l’habitude tellement de faire, au café chez Ferdinand. Alors elles sont parties avec leur panier. Ma grand-mère, elle a frappé, elle est entrée avec sa gamine. Elle est allée à la table où il était et puis elle lui a dit : "tiens mon père Papillon – parce que c’était Papillon son nom de chantier – voilà ton écuelle de soupe et ton bonnet de coton, comme ça, si tu veux passer la nuit là, il ne te manquera rien !". Et puis elle est repartie. Mais maman, elle m’a dit que sa mère pleurait en sortant, parce qu’elle aimait bien son mari. Alors, à cette époque-là, une femme qui faisait ça, elle se faisait rouer de coups par un mari. Mais mon grand-père jamais ! Elle a dit : "il ne faut pas qu’on le laisse prendre cette habitude-là, il ne le faisait pas, alors non". Ça devait faire jaser mais ma grand-mère s’en fichait. Elle avait une telle personnalité ! C’était sa famille et, le reste, elle s’en fichait… ».
Le destin des femmes était généralement tout tracé mais Louise a eu la chance de connaître un parcours différent : « Tous les gamins de 14 ans, à notre âge, qui sortaient de l’école : les filles elles allaient ou bonnes à tout faire ou apprenties couturières. Toutes mes copines ont fait ça. Moi j’ai été en pension parce que mes parents se sont mis au pain pour payer la pension. Parce que mon père avait fait cinq ans de captivité et quand il était rentré, il avait dit : "moi, mes filles, elles auront un métier !" ». Elle suit donc des études et devient institutrice. Après quelques affectations de courte durée à Montrabot, dans le centre-Manche, puis à Villedieu et Sainte-Cécile, elle passe 21 ans à l’école de Gathemo et enfin 11 ans à celle de Saint-Pois pour finir sa carrière.
Louise est aussi investie dans l’activité de la carrière dans laquelle travaillent Jean et André, les deux frères. C’est elle qui suit la partie administrative. « La comptabilité de l’entreprise, j’ai fait ça gratos, hein. Et pendant 30 ans ! C’était pour mon beau-frère aussi. Mais ils n’étaient que tous les deux. Je l’aurais faite pour Jean de toute façon. On était en société de fait mais on avait le forfait à défendre tous les ans. Le forfait, c’était le montant des bénéfices qu’il fallait aller discuter avec l’inspecteur des impôts, à Mortain. Et ils n’y allaient pas les gars, c’était Louise ! ». Elle assure également la relation avec les différentes administrations pour le suivi des obligations légales pour l’exploitation de la carrière. « Mais on s’est bien débrouillé, toujours. Ça n’a été simple ni pour lui ni pour moi. Je faisais la classe, j’étais en charge de gérer la cantine à Gathemo, à l’époque... ». À cela s’ajoute bien sûr les enfants, la gestion de la maison... activités qui incombaient à la femme dans le couple.
Place essentielle donc que celle de Louise dans l’activité de la carrière, sans laquelle celle-ci n’aurait pu tourner. Mais aussi un sentiment de relative invisibilité : « ils n’étaient pas conscient de tout ça, les gars, c’était des bosseurs. Mais la gestion, c’est quand même moi qui me suis tapé ça ! ».