Jean et Louise Danet.
Saint-Michel-de-Montjoie.
L’activité liée au granit colore quelque peu les opinions dans le bassin de Saint-Michel-de-Montjoie. Par rapport aux communes rurales environnantes, la population est en effet majoritairement ouvrière ou double active, avec la gestion d’une petite ferme à côté du travail d’extraction ou de taille du granit.
Louise relativise quelque peu : « À Montjoie, à part quelques communistes, tout le monde allait à la messe. Mon père était catholique mais il était gérant d’un syndicat FO. Il défendait son pain ! ». Seule l’entreprise David, « la » grande entreprise locale de production de monument funéraire compte un embryon de vie syndicale. Louise souligne à propos de son père : « tout en étant ami de vieille date avec les David, il était pour le monde ouvrier. Ben oui… ».
« Après papa, il y avait André Le Sénéchal. Il faisait beaucoup de syndicalisme chez David. C’est pour ça qu’ils ne voulaient pas le rembaucher ! ». Après avoir tourné dans différentes entreprises, André Le Sénéchal avait travaillé pour le compte de Jean et Louise dans la carrière du Creux Chien, mais l’activité n’était pas suffisante pour garder des ouvriers. Louise avait alors intercédé auprès de l’entreprise David pour qu’elle recrute leurs deux salariés. « C’était deux bons gars, deux bons ouvriers ». Et de rapporter le propos du patron de l’entreprise David : « il m’a dit : "j’aurais jamais cru rembaucher André Lesénéchal parce qu’avec son syndicat, il nous en a fait voir !". Mais ils défendaient leur bifteck, je n’ai rien contre ! ». L’action syndicale passe par la négociation régulière avec l’employeur sur les conditions de travail ou les salaires mais elle n’a pas donné lieu ici à des mouvements de grève marquants. Même en mai 1968, les ateliers restent calmes et ne sont pas occupés.
Sur les comportements politiques locaux, Louise rapporte les propos de Louis Pierre, son père : « Un jour, il m’avait dit : "L’ouvrier qui vote comme son patron, c’est un comble !" ». Et de se souvenir : « Politiquement, c’était quand même plutôt à gauche ici, ils avaient l’esprit ouvrier. Je suis sûr que papa et maman ne votaient pas la même chose. Papa ne contrariait personne mais il en faisait à sa tête ! Quand Mitterrand est passé, on était chez mes parents et on mangeait du poulet. Et on entend que Mitterrand était passé, alors il était content. Maman disait : "on savait c’qu’on avait avant mais maintenant, on n’sait pas !" ». Et Jean de dire : « Eh bien moi, j’suis content, je reprends un morceau de poulet ! ».