Jean et Louise Danet
Saint-Michel-de-Montjoie
Quantité de travailleurs du granit avaient un statut indépendant, désignés communément sous le terme de tâcherons, parce que payés à la tâche, aux pièces produites. De la même manière, s’il existe des ateliers de productions de monuments funéraires assez importants à Saint-Michel-de-Montjoie comme l’entreprise David ou, dans une moindre mesure, l’atelier Huet, au cœur du bourg, beaucoup d’hommes travaillent à demeure.
« Chez David, ils ont été jusqu'à 60 ouvriers. Plus ceux qui travaillaient chez eux… Il y en avait une bonne volée qui travaillait chez eux ! Ils étaient payés à la pièce. Ils portaient le morceau de caillou chez eux et ils revenaient chercher, deux mois après, la tombale. C'était essentiellement les tombales, avec la croix dessus. Tout était fait à la main ! ». Louise livre un souvenir sonore de cette activité : « Eh bien d'abord, c'est simple. Moi j'ai cette image-là, j'étais gosse : vous passiez, y'avait des petits chantiers partout sur le long de la route. Alors vous quittiez un chantier, vous quittiez le cliquetis, tac tac tac tac tac... Vous arriviez à l'autre, tac tac tac tac tac... On n'entendait que ça ! Que les cliquetis des poinçons. Mais ça, c'est dans mes oreilles ! ».
Louise évoque ainsi son grand-père : « Mon grand-père maternel travaillait chez lui, à L'Euderie, il avait son chantier là. Il travaillait à son compte. C'était des tâcherons si on veut. Il s'appelait Henri Poulain. Ils ont eu 8 enfants dont ma mère était la dernière ». Jean se remémore également des travailleurs à demeure qu’il a connus sur Champ-du-Boult : « Oui, j'en connais au moins quatre ou cinq qui travaillaient pour chez David. Il y avait le père Prunier, il y avait Marcel Hulin, les Désert, Marcel Charpentier... Ils étaient à tâche. Ça leur faisait un petit salaire. Je ne sais même pas s'ils étaient déclarés en ce temps là. Quand ils sont décédés, ça s'est arrêté ».
Le père de Louise, Louis Pierre, a longtemps effectué le charroi pour le compte de l’entreprise David : « Il a commencé à 18 ans comme commis de ferme et puis il transportait les blocs quand le grand-père David a fait son entreprise ». En 1935, Maxime David, le fondateur de l’entreprise, lui confie la première polisseuse : « C'était la 1ère machine, parce qu'autrement c'était tout à la main, à la briquette. Alors ça, c'était une vraie progression pour l'entreprise. Parce qu'avant les monuments étaient tous entaillés, il n'y avait pas beaucoup de polissage. Mais papa a tenu la 1ère polisseuse. Il a appris sur le tas, comme tout... ».
Louise précise : « Ceux qui travaillaient à demeure, c'était tout taillé, c'était pas le polissage. La tombale revenait chez David pour être polie ». La mécanisation permet le développement de la pratique du polissage. « Une pierre tombale polie, c'est bien plus facile à entretenir, parce que l'autre il faut la brosser et tout ça... Ah oui, c'est bien plus facile. Et si c'était mal poli ou pas assez poli, ça se nettoie moins bien… ».