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08. La forge

Émile Germain.

Saint-Michel-de-Montjoie

Le travail du granit, roche dure par excellence, met l’outillage à rude épreuve. Au point de rendre nécessaire la présence d’une forge dans chaque carrière ou dans chaque atelier. À propos de son père et de son collègue, René Giffault, dans la carrière, Émile rapporte : « ils mangeaient ensemble le midi parce qu’ils emmenaient leur casse-croûte. Ils mangeaient à la forge et, en même temps, ils étaient forgerons parce qu’il fallait qu’ils fassent leurs outils ». Burins et poinçons sont ainsi retravaillés très souvent pour retrouver du tranchant.

L’approvisionnement pour l’outillage se fait principalement en Bretagne : « j’ai emmené mon père quand j’ai eu mon permis. On allait en Bretagne acheter. Il y avait beaucoup de gars qui travaillaient pour le granit là-bas, c’était incroyable. Il allait voir des barres, il voulait des poinçons longs comme ça, le gars les coupait et après il venait les forger. Mais il prenait tout dans la même barre d’acier. Parce que si vous preniez des aciers différents vous n’aviez pas la même trempe, la même dureté du fer. C’est pour ça qu’ils voulaient acheter leur produit sur place et prendre tout dans la même baguette ou dans la même série de baguettes d’acier. Je me rappelle Louvigné-du-Désert, Villamée, c’est là où il y avait les plus grands distributeurs de matériaux pour le granit et encore, au jour d’aujourd’hui, sur les matériaux de base comme les disques en diamant, vous allez tout trouver là bas ».

Au sein de l’entreprise David, à Saint-Michel-de-Montjoie, il y a longtemps eu un forgeron à plein temps. Évoquant les poinçons : « des fois, il y en a qui s’en servaient deux fois et, pan, ils les cassaient. Et c’était à refaire… Voilà, vous êtes cinq, six bonhommes comme ça à travailler, ça va vite ! ». Si le patron fournit pour l’essentiel le matériel, chaque ouvrier a ses outils en propre : « il y avait intérêt à mettre de la peinture sur les trucs pour chaque citoyen parce que sinon, pfffuit… Ils avaient leurs outils qui étaient adaptés pour eux donc fallait pas que le citoyen d’à côté les prennent ! ».

Même avec l’évolution du matériel et le développement des outils pneumatiques, la forge a conservé son utilité. « On trouve des poinçons avec des pointes de carbure, ça oui, mais tout ce qui est matériel qu’on met sur les pistolets pneumatiques Boller à air comprimé [marque allemande d’outils spécialisés pour la découpe du granit, ndlr], jamais ils n’ont pu trouver un produit au carbure qui tienne. Tous ces outils qui vont au bout du pistolet sont forgés à la main, donc c’est pour ça qu’on s’en sert toujours de la forge. Même moi, je forge, je sais forger ! ».