Jean et Louise Danet.
Saint-Michel-de-Montjoie
À côté de la main-d’œuvre étrangère, venue nombreuse pour le travail du granit (en provenance d’Italie et d’Espagne pour l’essentiel), les Bretons ont constitué le principal apport issu de l’Hexagone.
Louise se souvient : « Il y a eu pas mal de Bretons, et puis bretonnants en plus quand ils sont arrivés. Beaucoup de l’Île-Grande et tout ça, là-bas dans les Côtes d’Armor, à côté de Lannion. Et il y avait des carrières là-bas aussi car, ton frère, il s’est marié là-bas, Jacques », dit-elle en interpellant Jean, son mari. Les Bretons qui s’installent ici sont issus de zones de productions granitiques, sur la Côte de Granit Rose mais aussi beaucoup du secteur de Louvigné-du-Désert. À l’image des travailleurs du granit normand, ils sont assez mobiles : « Ils allaient d’un bassin à un autre. C’était plutôt après la guerre. Quand j’ai commencé l’école, il n’y en avait pas beaucoup. C’était plutôt après, dans les années 1950. C’était des familles nombreuses ».
Des solutions d’hébergement sont trouvées pour répondre à cet afflux de population dans l’après-guerre, correspondant aux énormes besoins liés à la Reconstruction. « Ils avaient monté des baraquements autour de la carrière, aux Bourdonnières. Il y avait des baraquements aussi dans le bas de Montjoie, pour loger les Bretons qui venaient. Les baraquements je pense que c’était les entreprises qui les montaient ». Louise précise à ce sujet : « Il y avait aussi les baraquements pour les sinistrés de la guerre… ». Elle sait de quoi elle parle, elle dont la maison familiale, dans le bourg de Saint-Michel-de-Montjoie, a été détruite par une bombe dans les combats de 1944. Mais la famille a pu être relogée par la suite sans avoir recours aux baraquements.
« Il y avait beaucoup de familles et, les femmes, elles parlaient breton entre elles ». En tant qu’ancienne institutrice, attachée à l’apprentissage du français, Louise désapprouvait cet usage de la langue bretonne dans les lieux publics : « Et quand elles allaient dans les magasins ? C’était mal élevé je trouve. On ne comprenait pas ce qu’elles disaient, ça ne se fait pas. Alors qu’elles parlaient le français... Et les gamins parlaient correctement français, plus correctement que nos petits Normands qui patoisaient ! ».
Jean et Louise se remémorent toutes ces familles arrivées de Bretagne et qui, souvent, se sont implantées durablement : « Il y avait les Daphniet, les Guillon, les Willem de l’Île-Grande. Il y avait aussi les Lallinec, les Le Bronnec. Je l’ai vue avec sa coiffe la mère autrefois, seulement la petite bonnette qu’on met tous les jours ! ». Et de préciser : « il y en avait plus à Montjoie qu’à Champ-du-Boult. Il y avait quand même quelques Bretons : les Lebail, les Palaric... Montjoie, c’était vraiment le pays du granit, des carrières. À Champ-du-Boult, c’était plutôt des tailleurs de pierre que des granitiers ».