Jean et Louise Danet.
Saint-Michel-de-Montjoie.
L’activité du granit a attiré dans la région de nombreux travailleurs d’origine étrangère, en particulier des Italiens. « Et puis des Italiens, qu’est-ce qu’on en a eu ! Surtout avant la guerre, il y en a eu pas mal à Montjoie. Et après la guerre, il y en a eu aussi. Ils sont devenus maçons, entrepreneurs... ». Dans les années 1930, beaucoup ont fui le régime fasciste de Mussolini mais, dans l’après-guerre, ils arrivent surtout pour des raisons économiques.
Une partie de ces migrants sont là temporairement pour le travail mais d’autres finissent par s’implanter durablement dans le territoire. « Beaucoup d’Italiens qui habitaient dans le secteur sont allés se faire enterrer en Italie quand même. Ceux qui sont partis à la retraite, y’en a pas mal : les Scolari, les Pedretti... Mais il y a aussi des familles qui ont fait souche, qui ont eu des enfants. Il y en a qui sont restés. Ils sont venus avec leurs familles, dès le départ. Mais c’était plus dans l’âge de nos parents ».
Ces Italiens ont notamment amené des techniques qui améliorent l’extraction des blocs de granit dans les carrières. « Un truc qui avait changé quand les Italiens sont venus après la guerre, là, pour couper les cailloux : nous on faisait des mortoises assez larges et eux ils faisaient des trous comme ça. Ils mettaient des coins dedans et ça écalait si on veut ». Les mortoises sont les trous réalisés dans la roche pour détacher le bloc de la masse granitique. Ils étaient pratiqués au moyen d’une chanteperce, sorte de grande barre à mine. « Nous avant, y’avait trois gars : y’en avait un qui tournait la chanteperce et les autres tapaient. Ces coins là, c’est ça que les Italiens nous ont amené. Parce que nous, avec la chanteperce, c’était une barre et ils tapaient sans arrêt au même endroit. Avec ces coins, on faisait un trou tous les 15 cm environ, d’environ 5 cm. L’avantage avec les coins, c’est que ça donnait la direction à la pierre alors qu’à la chanteperce ça partait dans tous les sens ».
L’apport des Italiens ne concerne pas que la technique. « Les Italiens, ils nous avaient apporté le foot, quand ils sont venus », indique Louise en présentant une photographie de l’équipe locale, datée des années 1930, avec plusieurs Italiens dans sa composition. Et d’ajouter : « Les Italiens c’était des danseurs ! Ils faisaient danser toutes les filles, ils dansaient bien ! Ils choisissaient leurs filles hein... Il y avait des bals. En haut du bourg, chez le père Florentin, ils organisaient un bal souvent et aussi chez Huet en bas, au bas du bourg. C’était un peu la concurrence entre les danseurs. Mais alors, les Italiens, ils dansaient ! Les filles y étaient sensibles, celles qui aimaient la danse. Ils aimaient bien la tenue, les Italiens : le samedi, ils travaillaient mais le dimanche ils se mettaient en tenue pour séduire les filles, c’est sûr. Le père Florentin Delacour, il était à l’angle dans le bourg, à côté de l’église. C’est encore écrit "Vin-Café". Alors, dans cette grande pièce qui faisait le bout, là, c’était la salle de café mais ils enlevaient les tables et ça faisait salle de danse ».