Jean et Louise Danet.
Saint-Michel-de-Montjoie.
« Ma famille je ne sais vraiment pas d’où qu’ils venaient parce qu’ils étaient surnommés les "baladins", parce qu’il y en avait qui étaient plus ou moins bronzés… On croit qu’il y avait des origines roms, hein ! Tous les carriers ici avaient un surnom, un nom de chantier. Les "baladins" parce qu’ils allaient de Montjoie à Louvigné, de Louvigné à Montjoie, ils déménageaient souvent, voilà pourquoi on les appelait les "baladins" ». Ainsi parle Jean des origines de sa famille, telle que la mémoire s’en est conservée.
Cet usage du surnom, du sobriquet ou du nom de chantier était courant pour tous les hommes qui travaillaient dans les carrières ou dans les ateliers liés au granit. Étienne Danet, le père de Jean, était surnommé « baladin ». Cela tient à la grande mobilité de la famille : arrivée du Maine-et-Loire, elle a souvent déménagé entre les bassins granitiques au gré des chantiers dans lesquels Étienne était amené à travailler. Les enfants naissent ainsi successivement, au cours des années 1930, à Champ-du-Boult, Saint-Michel-de-Montjoie, Louvigné-du-Désert... La famille se stabilise à la fin des années 1930 en s’installant à Champ-du-Boult, avec l’acquisition et l’exploitation de la carrière des Nouettes, située à Saint-Michel-de-Montjoie. Mais le surnom de « baladin » est resté !
Louise précise à propos de Louis Pierre, son père : « Et moi, mon père, c’était pas un nom de chantier, il s’appelait "Brouette". Parce que mon grand-père étant jardinier, il poussait toujours sa brouette, on l’avait appelé "le père Brouette". "Le père Bérouette" même, parce qu’ils disaient "bérouette" ! ». Louis Pierre a noté les surnoms en vigueur à son époque : Ernest Hulin était nommé « Jean Le Blanc », René Hulin « Cartouche », « La Puce », c’était Henri Hulin... Dans la famille Hulin, il y avait aussi « Daguet », « Le Bouc », « Balet » ; dans la famille Lebert, « Calumet », « Poupette »… Dans la famille Eude, on trouvait « Le Pâté », « Le Canard », « Poloche »… Le père Delabroise était connu sous le surnom de « Carpignasse », le père Murie comme « Mustin », le père Renard comme « Le Compère »… Henri Poulain, le grand-père maternel de Louise, portait, quant à lui, le sobriquet de « Papillon ».
Ces surnoms restaient attachés à une personne précise et ne se transmettaient pas aux enfants. Tout au plus disait-on « le fils à Baladin » ! Cette pratique tombe toutefois en désuétude après la Seconde Guerre mondiale et les enfants ou petits-enfants des granitiers locaux ont souvent oublié aujourd’hui les surnoms de leurs aïeux.